17 septembre 2011
20 août 2011
Livreurs de pizza
Oui, je sais bien Monsieur le Juge, les apparences sont contre moi. Cette annonce que j’ai fait paraître, là. « Pizzeria recrute livreurs impérativement hétérosexuels. » Ce n’est pas ce que vous croyez, ce n’est pas du tout de la discrimination ou de l’homophobie ! Il faut que je vous explique.
Mon restaurant est situé en plein quartier gay. La majorité des livraisons à domicile se font chez des homos. Et vous ne le savez sans doute pas, Monsieur le Juge, mais la plupart des homos fantasment sur les livreurs de pizza, voyez-vous ? Résultat : mes clients offrent constamment à mes livreurs des pourboires, comment dirais-je, en nature, vous comprenez ? Une petite gâterie par-ci, une petite gâterie par-là… Moi sur le principe ça ne me gêne pas, mes livreurs sont jeunes, il faut bien qu’ils s’amusent. Et puis personne ne refuse une petite pipe, surtout comme ça, sans conséquence, entre deux portes ! Vous refuseriez ça, vous, Monsieur le Juge ? Ah ah ! Bien sûr que non. Alors imaginez des beaux garçons de 16 ou 17 ans qui ne pensent qu'au sexe. Les pourboires en nature, ils adorent ça !
Non, le problème, c’est la fin de la soirée. Au début, c’est rapide, le livreur dépose la pizza, encaisse l’addition, se fait sucer, en dix minutes l’affaire est réglée et le livreur est de retour au restaurant, prêt pour la livraison suivante. Mais au dixième client ? Eh bien, mes pauvres livreurs ont les couilles aussi vides et ratatinées que des olives sur une quattro stagioni, et la petite gâterie prend nettement plus de temps ! Vingt, trente minutes, parfois davantage ! Et moi, pendant ce temps, qui livre mes commandes en attentes ? Les pizzas mettent trop longtemps à arriver, ou bien elles arrivent froides, et c’est mauvais pour les affaires, ça, Monsieur le Juge.
Alors voilà, je cherche des livreurs exclusivement hétérosexuels. Comme ça, plus de pourboires en nature, plus de retard dans mes livraisons, plus de pizzas froides. C’est aussi simple que ça. Vous n’avez tout de même pas cru un moment que j’étais homophobe, quand même ? Allons, voyons.
Bon, et puis, vous me donnerez votre adresse, hein, Monsieur le Juge. Je vous ferai livrer une pizza gratuite pour vous remercier ! Dites-moi, vous préférez les blonds ou les bruns ?
10 août 2011
Nomenclature
Pour qualifier leurs découvertes, les scientifiques préfèrent aux longues périphrases inventer de toutes pièces des adjectifs improbables. Un médecin ne dira jamais d’une femme qu’elle n’a jamais été enceinte mais qu’elle est nulligeste, un botaniste ne dira jamais que le tournesol s’oriente vers le soleil mais qu’il présente un héliotropisme, et je viens de le découvrir, un zoologiste ne dit pas d’un animal qu’il a une queue épaisse, mais qu’il est crassicaude.
Crassicaude. C’est aussi beau que logique ! Crassi-, du latin crassus qui veut dire gros et -caude, du latin cauda qui veut dire queue. Mettons-nous dans la peau du zoologiste qui découvrirait la faune peuplant les quartiers gays, sortons notre bon vieux Gaffiot, et néologisons à notre tour !
Nous avons donc le pédé crassicaude, généralement très apprécié par ses partenaires – j’ai connu personnellement plusieurs crassicaudes et j’en ai toujours été fort satisfait. Il y a également le pédé angusticaude, du latin angustus qui veut dire étroit. Beaucoup moins apprécié des connaisseurs, mais souvent recherché par les néo-sodomites, pardon, par les passifs débutants, ceux qui ont peur d’avoir mal.
Nous pourrions également définir les pédés parvicaudes et magnicaudes, des adjectifs latins parvus et magnus qui signifient respectivement petit et grand. Signalons d’ailleurs que l’on peut parfaitement être à la fois parvicaude et crassicaude (c’est même plutôt agréable à regarder), ou bien à la fois magnicaude et angusticaude, ce qu’on appelle communément un bâton de berger.
Indépendamment des questions de taille, il faut aussi parler de l’aspect. Opposons donc le pédé levicaude, celui à queue lisse, au pédé vénosicaude, celui à veines apparentes. Le premier est probablement plus agréable à pratiquer, mais le second lui est esthétiquement bien supérieur à mon avis. J’ai en stock quelques photos de magnifiques spécimens vénosicaudes, peut-être vous les posterai-je ici un jour…
Ah, vivement que je sois maître du monde, que je puisse imposer cette magnifique terminologie en remplacement des tristes et trop peu précis BM, TBM et autres TTBM !
25 avril 2011
Narcisse
L’internet à haut débit nous a fait oublier à quel point se procurer du porno était difficile il y a ne serait-ce que dix ans. Il y avait les dictionnaires de médecine à la bibliothèque municipale, mais si l’on y trouvait bon nombre de photos de pénis, ils étaient rarement en érection. Il y avait toujours un oncle ou un cousin à qui on pouvait subtiliser de vieilles VHS des années 70, mais il fallait aimer la moustache. Il y avait la vente par correspondance, mais c’était délicat de recevoir de tels colis quand on habitait chez ses parents. Il y avait les sex-shops, mais encore fallait-il oser y entrer. Le mieux était quand même d’avoir une imagination fournie et une vie fantasmatique riche.
Un jour, à la fac, alors que je discutais avec un copain de cette inadmissible difficulté à nous procurer du porno, celui-ci m’avait confié qu’il résolvait le problème en bricolant lui-même ses propres films. C’était tout simple : il empruntait le camescope de ses parents et se filmait en train de faire un strip tease, en train de se caresser, en train de se branler. Il mettait ensuite de côté la cassette, le temps de « l’oublier » ; quand il la ressortait quelques mois plus tard, il découvrait les images d’un œil nouveau et pouvait s’exciter dessus comme s’il s’était agi d’un corps parfaitement étranger.
Je n’étais pas assez narcissique pour jouer à ça et de toute façon, mes parents n’avaient pas de camescope. Par contre, j’étais largement assez pédé pour m’imaginer me branler en regardant les vidéos que ce type me racontait avoir réalisées ! (Voire plus, mais ça, il ne fallait pas y compter : il prétendait être hétéro, ce qui était soit du déni pur et simple, soit un moyen commode de me faire comprendre que je n’avais aucune chance.)
Eh bien tu sais quoi ? Il n’a jamais voulu m’en prêter une seule ! Quel petit con d’allumeur…
18 avril 2011
Sexe, drogue et rock’n’roll
Impossible d’aller chez moi, c’était trop loin. Impossible d’aller chez lui, il était jeune et vivait encore chez ses parents. Alors on s’est trouvé un terrain vague en bord de Seine, là-bas, au bout d’une impasse déserte, à la sortie de Corbeil-Essonne.
Il existe un point de bascule dans une relation amoureuse, un moment où l’on comprend que c’est gagné, qu’on va passer la nuit avec la personne désirée, que rien ne pourra plus l’empêcher, un moment où l’on est soudain libéré de l’angoisse de plaire et du besoin de séduire. Le meilleur dans l’amour, c’est quand on monte l’escalier, dit l’adage. Ce soir-là, nous étions en pleine montée d’escalier et cette montée, nous avions décidé de la faire durer un peu. L’eau clapotait doucement. On s’est posé dans l’herbe face à la Seine et on a fumé un joint.
La véritable intimité commence là. On discute à voix basse, dans le silence de la nuit, le visage faiblement éclairé par la lueur rougeoyante d’un pétard. On se rapproche petit à petit, on se frôle, on échange quelques secrets, on bande sûrement déjà un peu, c’est imperceptible mais le cœur bat déjà plus vite. Le temps est suspendu.
Soudain, au bord de l’eau, il a fait un peu froid. On est remonté dans la voiture. On a baisé toute la nuit, séparés du monde par une simple couche de buée sur les vitres.
Au petit matin, après l’avoir déposé en bas de chez lui, sur le chemin du retour, j’ai allumé l’autoradio. Pile-poil sur un vieux tube des Rolling Stones. Je me suis mis à sourire bêtement. Du sexe dans une voiture, de la drogue, et maintenant du rock’n’roll. Le cliché. Je venais de fêter mon quarantième anniversaire et j’avais l’impression d’avoir vingt ans à nouveau.
Je ne l’ai jamais revu. Un autre rendez-vous aurait été décevant. S’il y a bien une chose qu’on apprend avec l’âge, c’est que certaines magies ne peuvent opérer qu’une seule fois.
10 avril 2011
Horoscope
Bélier, Pluton en maison 4 te mets sur la corde raide. Ta journée est un sac de nœuds. Pour dénouer les conflits, tente le bondage.
Taureau, ta configuration planétaire est particulièrement propice aux orgasmes prostatiques. Attention toutefois si ton partenaire est natif du Bélier.
Gémeaux, la Lune de passage dans ton signe te procure souplesse et ouverture d’esprit. C’est le moment de rappeler Mister Big Cock ! Ou de tenter la double pénétration.
Cancer, les astres te sourient : tu as toutes les chances de te faire enculer aujourd’hui.
Lion, la planète Vénus perturbe ton sommeil. Mal reposé, tu risques de passer la journée à côté de tes pompes. Organise un plan skets.
Vierge, si tu es natif du premier décan, mets plus de lubrifiant. Sinon, natif du second ou du troisième décan, mets en moins.
Balance, sur le plan professionnel, des tensions sont à prévoir. Pour décoincer un peu tes collègues, invite-les à une petite fête dans une back-room ! On ne voit plus jamais les gens de la même manière après qu’on leur a mis un doigt dans le cul.
Scorpion, tu es en pleine période de doute. Faut-il renouveler ton abonnement à Citébeur ou bien au contraire passer à Euro Creme ? Laisse passer la semaine avant de prendre une décision définitive.
Sagittaire, attention quand tu suces, tu baves, tu en fous plein les draps.
Capricorne, le fougueux Jupiter entre dans ton signe ce mois-ci. C’est le moment de faire le ménage et de repartir à zéro, par exemple en effaçant de ton carnet d’adresses tous les numéros de tes plans cul du semestre dernier. Oui, tous. Même celui de Mister Suce-Comme-Un-Dieu.
Verseau, tu va recevoir aujourd’hui un SMS pourrait changer ta vie. À moins que tes partenaires ne soient majoritairement du signe du Capricorne, parce que ceux-là viennent tous d’effacer ton numéro.
Poisson, ne crois jamais ce que te prédis ton horoscope.
28 mars 2011
Cancoillotte et Sodomie
Camarade travailleur, la France va mal. Tes emplois sont délocalisés en Chine, la mal-bouffe et l’impérialisme de Mac Donald envahissent tes campagnes, la morosité triomphe partout. Pour ne rien arranger, tu es hétéro et la Nature t’a joué un sale tour en plaçant ton point G à un endroit inaccessible aux filles. C’est assez. Il faut agir. Aux prochaines élections, camarade, une seule alternative possible : la liste Cancoillotte et Sodomie !
Mon programme en quelques points.
Permettre à chaque Français d’accéder à la plénitude quotidienne grâce aux bienfaits de la stimulation prostatique. La sodomie sera enseignée au lycée et les sex-shops seront nationalisés afin d’offrir à chacun et au meilleur prix des godemichés de qualité. Cette simple mesure, en supprimant purement et simplement le concept même de mal baisé, mettra fin à la plupart des tensions sur les lieux de travail. Les relations entre l’administration et les usagers s’en trouveront fluidifiées, les sourires seront de retour sur les visages le matin dans le métro.
La cancoillotte sera proclamée plat national et inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Des mesures fiscales seront prises pour inciter les restaurants à proposer davantage de plats à base de cancoillotte à leur menu. Dans toutes les cantines scolaires, le vendredi, traditionnellement journée sans poisson, sera désormais journée avec cancoillotte. Par ailleurs, des concours départementaux récompenseront les cuisiniers ayant imaginé les meilleurs recettes à base de cancoillotte pendant l’année écoulée.
Il y a environ 30 millions d’hommes en France, dont au moins 90 % sont en âge de goûter aux plaisirs de la sodomie. Il y a donc un marché potentiel pour 27 millions de godemichés. Des mesures protectionnistes garantiront que ce marché reviendra aux entreprises françaises en priorité. Parce qu’on ne veut plus se faire enculer par du plastique chinois mais par du silicone bien de chez nous !
Il n’y a pas trois états de la matières, mais quatre : les solides, les liquides, les gaz et la cancoillotte. Une part importante du budget de la recherche sera réorienté vers la recherche fromagère fondamentale afin de percer le mystère multi-millénaire de cette incroyable consistance. Les débouchés industriels d’un produit synthétique qui aurait les mêmes propriétés physiques que la cancoillotte sont innombrables : gel pour rembourrer les selles de vélo ou pour remplir les prothèses mammaires, coussins de sécurités pour les voitures, etc.
Sur le plan économique, l’explosion de la demande en cancoillotte et en godemichés mènera à la création d’environ quatre millions d’emplois. En quelques mois, le chômage sera intégralement résorbé. À terme, la convergence industrielle entre la filière cancoillotte et la filière sodomite aboutira à la création de produits dérivés tels que sex-toys ou préservatifs lubrifiés à la cancoillotte, ce qui créera encore davantage d’emplois.
Camarade travailleur, tu peux compter sur moi. Vive la cancoillotte, vive la sodomie, vive la France.
(Vu, le candidat)
25 mars 2011
Commando
J’avais 20 ans, c’était l’été et je travaillais comme aide-cuisinier dans un restaurant au fin fond de la Creuse. Un des serveurs, un jeune gars du coin, m’hébergeait gracieusement moyennant participation aux tâches ménagères.
La mode était à la new wave et mon hôte en était fan au point de se vêtir, de se coiffer – et même parfois de se maquiller – à la façon de Boy George. La housse de sa couette était imprimée d’un grand Union Jack et au-dessus du canapé qui m’était réservé, un poster géant d’Annie Lennox veillait sur mon sommeil. Tout son temps libre passait dans l’apprentissage de ses chansons favorites au synthétiseur, dont il jouait, comme l’exigeait l’époque, avec un seul doigt. Inutile de dire que le personnage détonnait un peu dans les rues d’Aubusson et que les agriculteurs du coin nous regardaient bizarrement.
Il me semblait inconcevable que ce garçon ne fût pas soit complètement pédé, soit extrêmement naïf dans sa façon de singer son idole. J’optai pour la première hypothèse vu qu’elle m’arrangeait bien et décidai de lui faire comprendre que je me sentais très seul sur le canapé.
Mais comment m’y prendre, moi qui était si timide et si mal à l’aise avec mon homosexualité à l’époque ? Simple, subtil (ahem), imparable : en abandonnant simultanément toute pudeur et tout usage du sous-vêtement.
À poil le matin entre le moment où je me levais et le moment où je m’habillais ! À poil le soir entre le moment où je me déshabillais et le moment où je me glissais dans mon duvet ! À poil au moindre prétexte ! Moi, un caleçon ou un slip, lui mentais-je ? Je n’en porte jamais ! J’adore trop le contact du jean sur la peau, j’adore trop quand j’ai une érection dans la journée, en plein boulot, à cause du frottement du tissu !
Eh bien crois-le ou non, j’ai vécu nu avec ce type dans 15 m² pendant deux mois, à me balader ostensiblement la bite à l’air matin et soir ; et il ne m’a jamais sauté dessus. Soit il m’a trouvé moche, soit mon gaydar s’était affolé pour rien et il était juste extrêmement naïf dans sa façon de singer Boy George. Je vais opter pour la seconde hypothèse vu qu’elle m’arrange bien.