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Les Priapiques

Cum cunno mihi mentula est vocanda.

Jeux de soumission

Il avait une belle bite. Vraiment belle. Épaisse, virile, puissante, élégamment courbée, le genre que tout garçon sensible adore vénérer. Nous avions commencé par sortir ensemble, mais notre relation tourna court par manque d’atomes crochus ; sans compter qu’il était toujours fourré à l’autre bout du monde, exerçant comme personnel navigant sur une grande compagnie aérienne, et je ne me voyais pas un avenir en femme de marin.

Je n’avais néanmoins pas l’intention de renoncer à sucer une queue aussi parfaite ! Notre relation continua donc sur le mode plan cul régulier. De temps en temps, une ou deux fois par mois peut-être, je lui proposais un petit scénario improbable : en survêtement dans les caves de sa résidence, en maillot de bain dans les vestiaires de la piscine, en pleine nuit sur un banc dans le parc de la mairie, en costard dans un hall d’immeuble… À chaque fois le principe était le même ; nous faisions semblant de ne pas nous connaître et de nous croiser par hasard, je l’entrainais dans un coin discret, je le suçais à genoux, on se séparait. Ce petit jeu de soumission et ces mises en scènes dignes d’un mauvais film porno m’amusaient follement !

Et puis un jour, j’ai compris que lui ne jouait pas. Alors que je prenais beaucoup de plaisir à imaginer et à préparer ces petits scénarios (presque plus qu’à les réaliser…) lui était juste content d’avoir trouvé un vide-couilles obéissant. De complicité il n’y avait guère et j’ai arrêté de le fréquenter.

C’est que dans un jeu de soumission, le mot important, c’est « jeu ». Quand on enlève la dimension ludique, il ne reste plus que l’humiliation de se sentir rabaissé. Certains aiment peut-être. Moi, pas.

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Sneakers

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Le déni

J’avais rencontré Rehan sur un quelconque site de cul. Il m’avait dit : « Je ne cherche pas de contact physique, seulement un mec un peu exhib et obéissant. » Ces deux qualités m’ayant semblé tout à fait correspondre à mes compétences et n’ayant rien de mieux à faire ce soir-là, j’avais accepté une rencontre.

Rendez-vous à minuit sur la place du marché. Je n’eus aucun mal à le repérer, seul dans sa Clio sur le parking désert, le visage faiblement éclairé par l’écran de son téléphone portable. « Viens, je connais un endroit. » me lança-t-il à travers la vitre passager entrouverte. Je m’installai à bord et nous nous mîmes en route. Échange de banalités. Quelques minutes plus tard, il stoppait son véhicule au milieu d’un immense champ agricole. Astucieux ! Habituellement, pour ce genre d’activité, on recherche plutôt la discrétion qu’offrent les chemins forestiers, les parkings souterrains, les buissons, les toilettes publiques… Mais à bien y réfléchir, un champ plat et dégagé à perte de vue est tout aussi adapté : les passants sur la route au loin ne pouvaient pas voir ce que nous faisions, tandis que nous repérerions facilement tout curieux tentant d’approcher.

Nous basculâmes légèrement les dossiers des sièges pour être à l’aise, puis il commença à m’expliquer ce qu’il voulait. « Enlève ta ceinture. Ouvre ta braguette. Tu as un boxer ? Ah oui, très bien. Glisse ta main à l’intérieur. Fais grossir ta queue. Je veux voir le tissu gonfler. Voilà comme ça. J’adore. Maintenant baisse un peu ton boxer. Branle-toi. Plus doucement. Non, ne mets pas ta main là, je veux voir tes couilles. Oui comme ça plutôt. Continue. » Et ainsi de suite.

Tout en me pliant à ses caprices, j’observais l’entrejambe de Rehan du coin de l’œil. De toute évidence je lui faisais de l’effet et de fait, il ne tarda pas à sortir sa queue lui aussi. Il se pencha pour extraire un petit flacon de gel du vide-poches, s’enduisit la main gauche de lubrifiant et commença à se branler. Voir ce beau mâle s’astiquer à quelques centimètres de moi sans pouvoir le toucher était aussi frustrant qu’excitant. Je redoublais d’application, m’attachant à obéir scrupuleusement à la moindre de ses volontés.

Je n’eus aucun mal à jouir lorsqu’il m’ordonna de le faire. La vue du sperme décupla son excitation : sa queue se raidit soudain et il éjacula quelques secondes après moi.

Sur le trajet du retour, il m’apostropha.

— Je ne suis pas pédé, tu sais.
— Je n’ai jamais dit que tu l’étais.
— Non, je précise, parce que je ne voudrais pas que tu te fasses des idées sur mon compte. Je n’ai jamais couché avec un mec, moi. Je regarde juste. Tu as vu ? Je ne t’ai pas touché, tu ne m’as pas touché. Jamais de contact. Je regarde juste. Je suis 100 % hétéro, mon pote.
— Tu fais comme tu veux, ça ne me pose aucun problème.

Nous étions de retour sur la place du marché. J’abandonnai Rehan à ses certitudes rassurantes et m’en retournai récupérer ma voiture.

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Pump !

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La balade en moto

— Donc il faut que je monte là-dessus ? demande Adrien, fixant incrédule les quelques centimètres carrés de selle à l’arrière de la Kawasaki.
— Oui.
— Mais… Mais… Il n’y a pas la place !
— Si, il y a la place, c’est étudié pour.
— C'est étudié par des Japonais, pour des Japonais. Ils doivent avoir de tous petits culs ces gens-là. Pas comme moi.
— Ton cul est parfait et tu vas le poser sur cette selle.
— Bon. Et je me tiens à quoi ?
— À moi. De toute façon, il n’y a rien d’autre à quoi se tenir. (C’est même tout l’intérêt de la chose, ajoute Sofiane pour lui-même). Mais d’abord, l’équipement. Ton casque. Voilà. Ferme bien ton blouson, si le vent s’engouffre dedans, tu vas t’envoler. Et tes gants.
— Quoi, il faut que je mette ces gros gants, aussi ?
— Oui, c’est pour t’empêcher de tripoter le pilote.
— Zut, moi qui espérais justement…

Ils montent sur la machine. Sofiane presse le démarreur. Le bruit rauque du bicylindre s’élève aussitôt. Claquement sec de la première. La moto s’ébroue, comme prête à bondir. C’est parti.

L’accélération. Adrien ne s’attendait pas à une telle accélération. La seconde d’avant il se tenait mollement au pilote, décontracté, faisant le malin. Maintenant il s'agrippe de toutes ses forces à Sofiane tandis que l’adrénaline se répand dans ses veines et que la peur tétanise ses muscles. Ça va vite. Ça bouge. Ça vibre. C'est dynamique. Premier rond point. Ils prennent un angle effrayant, Adrien a l’impression que son genou va toucher le sol, que les pneus n’encaisseront jamais, qu’ils vont partir en glissade. Sortie du rond point, la moto bascule brutalement sur l’angle opposé. Le voyage ne s’annonce pas reposant… Ils s’engagent sur l’autoroute. Le moteur hurle, monte dans les tours en une fraction de seconde pour redescendre d'un ton à chaque changement de rapport. Troisième. Quatrième. Cinquième. Sixième. Adrien ne peut pas lire le compteur de vitesse de la place où il se trouve, mais aucun doute : ils vont très vite.

L’autoroute cède bientôt la place à une petite départementale toute en virages. Un coup à droite, un coup à gauche. Adrien se colle à Sofiane, le serre du mieux qu’il peut, luttant contre sa peur pour se décontracter, pour suivre le mouvement en souplesse, pour ne pas contrarier les déhanchements du pilote qui permettent d’inscrire la moto dans les courbes. Leurs dos ondulent maintenant de concert au rythme des prises d’angle. Un coup à gauche, un coup à droite. C’est comme une danse synchronisée, une danse sensuelle, une danse où les deux partenaires seraient soudés l’un à l’autre. Et cette impression enivrante de subir, d’être à la merci, de perdre totalement le contrôle, de ne rien pouvoir faire d’autre que de remettre son destin entre les mains du gars en cuir, là, devant…

— Alors, ça t’as plu ?
— Grave ! À la fois la plus grosse frayeur et le plus gros pied de toute ma vie ! Il va me falloir trois jours pour retrouver un rythme cardiaque normal.
— À ce point ?
— J’ai bandé pendant tout le trajet !
— Parfait. Reste comme ça, maintenant je vais te montrer comment manier la poignée.

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Main

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Privation sensorielle

Tu ne vois rien, ils t’ont bandé les yeux. Tu ne ressens aucun contact sur ta peau, ils t’ont déshabillé et emballé dans du film plastique. Tu ne peux pas bouger un seul membre, ils t’ont attaché sur le lit. Tu n’entends rien, ils t’ont mis des bouchons de mousse dans les oreilles. Tu ne sens rien, ton odorat est saturé par l’odeur du latex. Seules ta bouche et ta queue ne sont pas entravées. De tous les sens qui te relient habituellement au monde, seuls le goût et le sexe ne sont pas en berne et fonctionnent encore.

Tu dis « ils » mais en réalité, tu n’as pas la moindre idée de leur nombre. Régulièrement, une queue vient s’introduire dans ta bouche. Tu la têtes. C’est un réflexe. De toute façon tu ne peux rien faire d’autre. Mais est-ce toujours la même ? Deux fois déjà ça s’est fini par une giclée de foutre au fond de ta gorge, ce qui tendrait à prouver qu’ils sont plusieurs. Mais après tout, certains mecs peuvent jouir plusieurs fois de suite. Et puis tu perds un peu la notion du temps. Ça fait peut-être des heures que tu es là. Largement le temps pour l’autre de recharger même s’il est tout seul.

Parfois, une caresse sur ta bite. Un doigt qui remonte doucement sous la verge, de la base jusqu’au frein. Ou une langue qui fait délicatement le tour de la couronne du gland. Tu ne t’y attends pas. Décharge électrique. Peau de tes couilles qui se tend, gland qui grossit comme s'il allait exploser. Tu donnerais n’importe quoi pour qu’ils continuent. Mais le plus souvent, ils ne vont pas plus loin. La frustration te donne envie de hurler mais tu te retiens : tu sais que ça ne servirait à rien. Ce n’est pas toi qui commande.

Une nouvelle bite se fraie un chemin dans ta bouche. Privé de la distraction des autres sens, ton goût s'en trouve décuplé, tu découvres la complexité des saveurs du liquide séminal. Tu savoures, essayant de le rattacher à des choses connues : le goût des larmes, un petit côté sucré (comme de la nectarine peut-être ?) et surtout cette odeur musquée, masculine, enivrante, qui laisse une petite croûte de sel sur tes lèvres en séchant. Soudain ils empoignent ta queue. La font pénétrer dans un fourreau. Tu penses à un fleshlight. La surprise te coupe le souffle. Te fait pousser un petit cri. Le sextoy va et vient lentement, ta respiration se cale sur le même rythme.

N'importe quel témoin qui assisterait à la scène (D'ailleurs, qui sait s'il n'y en a pas, des témoins ? Tu n'as aucun moyen de le savoir !) verrait en toi un esclave sexuel, attaché, soumis. Mais tu sais bien que c'est le contraire. Et eux aussi le savent. C'est toi qui prend ton pied. C'est à toi qu'ils font plaisir. C'est toi qu'ils guident vers des territoires inexplorés de ta propre sexualité.

Tout à l'heure tu suppliais qu'ils te touchent, tu pries maintenant pour qu'ils arrêtent. Tu ne tiendrais pas longtemps à ce rythme. Tout le monde sait bien que le jeu s'arrêtera lorsque tu auras éjaculé et que ton excitation retombera. Personne ne veut que ça arrive.

Ils ont compris. Le mouvement s'interrompt. Ils retirent le fleshlight.

Plus rien. Les minutes s'écoulent. Tu finis par te demander s'ils n'auraient pas quitté la pièce. Tant mieux. Que la tension retombe. Que tu reprennes ton souffle. Que le jeu puisse durer encore longtemps.

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Autoportrait

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L'entremetteur

Rien de plus répandu que le fantasme de l'ouvrier ou du livreur, de l'inconnu qui débarque à domicile et hop ça dérape. Qui n'y a jamais pensé en commandant une pizza ou en se faisant livrer un colis ? Qui n'a jamais été hypnotisé par le jogging moulant du gars qui vient changer les bonbonnes des fontaines à eau au boulot ? Qui n'a jamais pris un gros coup de chaleur en voyant saillir sur les avant-bras d'un déménageur des veines gonflées par l'effort ?

Hélas, si ce fantasme est grand pourvoyeur de scénarios pour l'industrie des films pour adultes, il est pratiquement impossible à réaliser en pratique. C'est que dans la vie réelle, il y a fort peu de chance de tomber sur un plombier ou un livreur ouvertement homo ! Surtout que nous vivons dans un monde où il n'est pas socialement acceptable de proposer une fellation à un inconnu. (Enfin si, sur les réseaux sociaux, mais ce n'est pas le sujet.)

Une solution, très prisée par certains – je crois qu'Alex « FILF » Taylor en parle dans un de ses bouquins – consiste à monter un jeu de rôle. Tu demandes à un sex friend de se déguiser en livreur à mobylette, il vient sonner à ta porte avec un carton de pizza habillé en wesh wesh, tu joues au client innocent, tu lui proposes un pourboire et trois secondes plus tard tu te retrouves à genou avec sa bite dans la bouche. Tous les éléments du fantasme sont là mais tu vas me dire : c'est du toc, ça sonne creux. Et tu n'auras pas tort. Un détail vient parasiter le scénario : tu connais à l'avance le livreur et ce qui va se passer.

Heureusement, améliorer le principe est fort simple ! Il suffit d'un entremetteur… Tu appelles ton sex friend habituel, mais au lieu que ce soit lui qui vienne te livrer une pizza, il envoie une de ses connaissances que tu n'as jamais vue, et qu'il saura choisir parce qu'il connait tes goûts. Et voilà.

Veux-tu que je t'entremette ?

(L'inconvénient reste toutefois que si le pourboire au livreur se prolonge, tu risques de manger une pizza froide. Mais je ne vais pas résoudre tous tes problèmes d’un coup, hein.)

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Torse

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Alien

Sitôt qu'il commença à me sucer, je sentis que quelque chose n'allait pas comme d'habitude. Une sensation de chaleur bizarre, discrète au début, plutôt localisée sur le gland ; puis de plus en plus forte, de plus en plus généralisée, sur toute la verge, partout où sa salive était en contact avec ma peau, jusqu'à devenir une véritable brûlure.

La chose était étrangement délicieuse et douloureuse en même temps. Mon esprit vagabonda à la recherche d'une explication. Je pensai aux gels lubrifiants effet chauffant que l'on trouve dans le commerce, mais en beaucoup plus puissant. Je pensai aux cataplasmes à la moutarde que gamin, on me collait sur la poitrine pour me guérir d'une quelconque bronchite et qui me laissaient la peau horriblement rouge et irritée. Je pensai à Alien, le huitième passager dont la salive caustique brûlait et traversait les parois du Nostromo.

Quand soudain, l'illumination. Le rougail du dîner. Amoureusement préparé avec du piment oiseau, la variété de piment la plus puissante, celle dont la teneur en capsaïcine est la plus élevée, celle qui même en dilution homéopathique suffit à t'allumer un incendie dans la bouche.

— Dis donc, tu t'es lavé les mains après avoir haché le piment quand on a préparé le rougail tout à l'heure ?
— Euh, oui, non, je sais plus, pourquoi ?
— Ça brûle la bite.
— Ah bon ?
— Ça fait vraiment très mal.
— Oh je suis désolé ! Tu veux que j'arrête ?
— Bien sûr que non. Reprends plutôt encore un peu de piment et continue…

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À carreaux

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Action ou Vérité ?

J'aime bien les jeux érotiques, comme on faisait quand on avait quinze ans, ces petits jeux où le perdant se voyait désigner un gage sexuel. Embrasser Machin ou Machine, enlever un vêtement, montrer une partie de son anatomie… Évidemment, chacun faisait exprès de perdre, parce qu'il voulait embrasser Machin ou montrer sa bite à Machine ; mais tout en faisant semblant d'être déçu de ne pas avoir gagné, pour ne pas que le stratagème soit trop évident ! Le jeu pouvait se prolonger assez longtemps, faisant ainsi monter lentement la tension sexuelle ; ce qui décuplait le plaisir lorsque la soirée basculait enfin dans l'action proprement dite.

Chez les homos, hélas, ces petits jeux préliminaires de nature à pimenter la vie sexuelle fonctionnent beaucoup moins bien. Voici par exemple comment se passe une partie de « Action ou Vérité ? » entre garçons. (Attention, sois bien attentif, ça va très vite.)

— On joue à Action ou Vérité ?
— Oh oui bonne idée, vas-y, commence !
— Bon alors. Action ou vérité ?
— Action !
— Suce-moi la bite.
— Ok.

Inutile de dire que ça ménage peu de temps pour laisser la tension sexuelle s'installer. L'avantage, c'est qu'on ne passe pas la moitié de la soirée à se demander si on va finir par baiser. L'inconvénient, c'est que c'est tout de même un peu dommage.

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Montre

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Dante’s Inferno Uncensored

Un tonnerre horrible rompit mon profond sommeil, de sorte que je revins à moi comme quelqu’un réveillé de force ; et levé, les yeux reposés, je regardai autour de moi pour connaître le lieu où j’étais. Je vis que nous nous trouvions sur le bord de l’abîme de douleur, où retentissent d’infinis hurlements ; et cet abîme était si obscur, si profond, si sombre, que jetant mon regard au fond, je n’y discernai aucune chose.

« Nous descendons maintenant dans le monde ténébreux, me dit Virgile : je te précéderai et tu me suivras. » Ce disant, il entra et me fit entrer dans le premier cercle qui ceint l’abîme des Enfers. Là, à ce qu’en pouvait juger l’ouïe, point encore de cris ou de gémissements, mais des soupirs dont frémissait l’air éternel ; et ces soupirs semblaient venir de la tristesse, plutôt que de la souffrance, que ressentait des troupes innombrables de garçons nus.

Le Poète me dit : « Tu ne me demandes point qui sont ces esprits que tu voies ? Regarde leur corps entretenu, leurs muscles saillants, leur torse épilé. Ce sont là les légions qui peuplèrent jadis les clubs de gym du Marais ou de Greenwich Village, les Narcisse qui usèrent le tain des miroirs à force d’y contempler leur reflet. »

Je lui demandai : « Mais, mon Maître, dis-moi, quel fut leur péché ? Pourquoi leur âme hante-t-elle ici les Enfers, surplombant l’abîme ? » Et lui à moi : « Certains firent preuve d’impolitesse sur les réseaux sociaux envers les pauvres et les disgracieux, d’autres bloquèrent sur Grindr tous ceux de leurs semblables qui eurent l’audace de leur adresser la parole sans avoir de photo, d’autres encore se rendirent coupable d’arborer le slogan no pic no dial sur leur profil ; ils ont tous en commun d’avoir commis le péché de superficialité, le péché de n’avoir jamais jugé les autres que sur leur apparence physique, le péché de ne s’être jamais intéressés ni au cœur ni à l’esprit. »

Une grande tristesse me prit à l’écoute de cette réponse, car je reconnus des gens de haute valeur parmi les ombres qui nous entouraient : des chanteurs, des humoristes, des animateurs de télévision…

« Mais, repris-je alors que nous traversions l’épaisse forêt de ces esprits perdus, pourquoi l’air frémit-il de ces soupirs langoureux ? Qu’est-ce qui les fait tant souffrir ? Avons-nous bien franchi la porte des Enfers ? Tant de beaux hommes nus réunis pour l’éternité m’évoqueraient plutôt le Paradis… »

Virgile s’approcha de moi, et baissant la voix pour ne point être entendu des damnés que nous croisions : « Ils soupirent d’envie, bien sûr. Ils se consument de désir les uns pour les autres, la concupiscence les submerge. Seulement voilà. Nous ne sommes pas au Paradis, nous sommes bien en Enfer. Car du plus jeune au plus vieux, du plus imberbe au plus poilu, du moins bien pourvu au plus généreux TTBM, ils sont tous, sans aucune exception, exclusivement passifs. »

Je frémis d’horreur quelques instants à cette révélation du châtiment éternel qui accablait ces esprits ; mais déjà, mon guide descendait un peu plus profondément dans l’abîme et m’entrainait vers le second cercle.

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Aussiebum

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