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Les Priapiques

Cum cunno mihi mentula est vocanda.

Sur la route

Nous devions acheminer une tonne et demi de matériel chez des clients répartis un peu partout en France. Habituellement, pour ce genre de mission, nous faisions appel à un transporteur ; mais pour des raisons mystérieuses, le patron avait décidé que cette fois-ci, nous louerions un utilitaire genre Renault Trafic et nous chargerions nous-même de la livraison. Moi qui adorais « faire la route », je m’étais porté volontaire.

L’autre chauffeur désigné pour le voyage était Charlie, le mari d’une collègue. Un gars charmant et sympa, avec un look de bad boy qui faisait fantasmer les filles et les garçons sensibles de tout le service chaque fois qu’il passait chercher sa femme à la sortie du bureau ; mais je partais sans arrière pensée. Charlie était marié et nous connaissions tous sa femme : on ne pouvait pas faire plus hétéro. D’ailleurs, nous roulions depuis à peine quinze minutes qu’il me parlait déjà de sa petite famille. Je suppose que c’était sa façon de briser la glace en prévision des trois jours que nous allions passer ensemble ; mais c’était aussi le genre de bavardage qui moi, homo bien planqué à cette époque, me mettait mal à l’aise. J’éludai le sujet d’un vague « oh tu sais moi je suis célibataire ».

Jour 1. Auxerre, Beaune, Mâcon, Lyon… Les kilomètres défilaient, la conversation roulait. Était-ce l’effet de la distance grandissante entre lui et sa femme ? À ma grande surprise, mon compagnon de voyage commença à accumuler les comportements ambigus à mon égard. Pourquoi donc, lorsque c’était mon tour de conduire, s’asseyait-il sur le siège du milieu, juste à côté de moi, plutôt que sur le siège de droite, contre la portière passager, comme aurait fait n’importe qui ? Pourquoi ce faisant, sa cuisse était-elle toujours placée de telle sorte que j’étais obligé de la frôler pour passer les vitesses ? Pourquoi éprouvait-il souvent ce besoin de me toucher quand il me parlait ? Pourquoi insista-t-il pour qu’on ne prenne qu’une seule chambre à l’hôtel, alors qu’il était prévu que nous prenions des chambres séparées ? Et pourquoi prenait-il sa douche avec la porte de la salle de bain ouverte ?

Parfois, je me disais que mes hormones me jouaient des tours, que j’interprétais tous ses gestes de travers. Je trouvais des explications rationnelles. Peut-être s’asseyait-il au milieu parce qu’il préférait être bien en face de la route. Peut-être était-il tactile et exhibitionniste avec tout le monde. Peut-être se souciait-il réellement du budget de l’entreprise lorsqu’il proposait d’économiser le prix d’une chambre d’hôtel. Et puis j’étais certain qu’il était hétéro, il était donc impossible qu’il me drague ! L’instant d’après, je me disais au contraire que je ne rêvais pas et que l’accumulation de tous ces indices formait quand même un faisceau d’indices sacrément convergent. Il fallait que je sache.

Jour 2. Clermont-Ferrand, Limoges… Nos livraisons en Rhône-Alpes étaient terminées et nous roulions maintenant vers la côte Atlantique. L’A89 n’était pas encore construite à cette époque et traverser la France d’est en ouest était laborieux. Les petites nationales succédaient aux petites villes et les villages succédaient aux départementales. À la sortie d’un de ces hameaux justement, un auto-stoppeur me donna l’occasion d’une attaque assez directe : je glissai que nous aurions pu nous arrêter pour le prendre au prétexte qu’il « était bien mignon ». Charlie ne releva pas. Un peu plus tard, alors que nous traversions le plateau de Millevaches, je lui fis remarquer que c’était typiquement le genre d’endroit désertique et grandiose où devaient se retrouver les garçons du coin à la nuit tombée pour faire des galipettes dans les fourrés. Aucune réaction non plus.

Ce n’était guère étonnant. Au pire, il n’avait pas compris mes allusions. (La candeur des hétéros est parfois désarmante.) Au mieux, il avait intégré que j’aimais les garçons et cette information n’exigeait effectivement pas une réponse immédiate de sa part. C’était plutôt un indice que je lui laissais pour lui signifier : « j’ai l’impression que tu me dragues mais que tu hésites, alors voilà, maintenant tu sais que je suis homo, soit tu veux qu’il se passe quelque chose et la balle est dans ton camp, soit tu ne veux pas et tu arrêtes de me chauffer pour rien ! »

La balle était dans son camp mais hélas, il ne la saisit pas au bond. Le soir à l’hôtel, rien ne se passa. Est-ce qu’il n’avait pas compris ? Est-ce que comme moi, il n’osait pas franchir le pas, de peur de s’être trompé, d’avoir mal interprété les allusions et les comportements de l’autre ? Deux garçons homosexuels qui n’osaient pas s’avouer leur attirance, chacun par crainte que l’autre soit homophobe et réagisse mal ; tellement classique et à la fois tellement triste…

Jour 3. Bourges, Vierzon, Orléans… Notre périple touchait à sa fin. Nous étions à moins de cent de kilomètres de Paris. Il me restait une heure pour percer le mystère. Une pause sur une aire d’autoroute allait m’en donner l’occasion.

Je m’étais garé à l’écart de la station service, dans la zone réservée aux poids-lourds. Il faisait nuit et sur ce parking où pour respecter le sommeil des routiers, l’éclairage était quasiment absent, nous distinguions à peine nos propres mains. Comme à son habitude, Charlie était assis sur le siège central. C’était son tour de conduire mais épuisé par ces trois derniers jours, il s’assoupit rapidement ; je le laissai dormir. Après tout, nous n’étions pas pressés. J’entrouvris la fenêtre, cherchai une cigarette à tâtons, l’allumai et me mis à rêvasser, regardant passer au loin les véhicules sur l’autoroute.

Le contact de la tête de Charlie sur mon épaule me tira de ma rêverie. Allons bon. Était-ce un geste inconscient dans un demi-sommeil ou une tentative désespérée, à une heure de la fin du trajet, de me faire enfin comprendre qu’il voulait aller plus loin ? J’hésitai quelques instants sur la réaction à avoir, puis dans le doute, et peut-être aussi par jeu, je décidai de répondre par un geste tout aussi ambigu que le sien : je fis mine de m’étirer, de chercher une meilleure position sur mon siège et de m’endormir ; ce faisant, le dos de ma main droite atterrit négligemment sur sa cuisse gauche. Le contact de son jogging en coton, la chaleur de sa peau m’électrisèrent.

Charlie, lui, ne réagit pas. Soit il dormait et ne s’était rendu compte de rien ; soit il me donnait son accord tacite pour continuer. J’optai aussitôt pour la seconde option. Je retournai ma main, paume contre sa cuisse, et la remontai légèrement vers son entrejambe. Un peu. Puis un peu plus. Puis encore davantage. C’est alors que mes doigts découvrirent qu’il bandait.

Il ne dormait donc pas ! Depuis trois jours, c’était bien la première fois que je parvenais à décrypter avec certitude les désirs de Charlie… Il continuait néanmoins à faire mine de ne s’apercevoir de rien. Aucune importance, ce petit jeu me convenait parfaitement !

Toujours sans rien dire, puisque c’était ce qui semblait l’amuser, je laissais courir mes doigts le long de la bosse que formait sa queue à travers le tissu. Il ne semblait pas porter de sous-vêtement ; il avait sans doute prémédité son coup… Je me fis plus précis dans mes mouvements, alternant les simples caresses et les pressions plus appuyées, mais toujours en évitant soigneusement ce que je devinais, à tâtons dans l’obscurité, être son gland. Parfois sa respiration se bloquait quelques instants et alors sa queue se raidissait davantage. Nous étions passés de la drague, avec tout ce que cela peut comporter d’incertitude et d’espoirs, au sexe. L’hypothétique, espéré depuis trois jours, était devenu inexorable. Et c’était bon.

À la façon dont s’était comporté Charlie jusqu’à présent et sachant qu’il était marié, j’étais plus enclin à voir en lui quelqu’un qui recherchait quelques caresses viriles « entre potes » plutôt qu’un baiseur débridé. Je décidais de lui offrir ce qu’il voulait. Toujours aussi lentement et toujours sans dire un mot, je glissai ma main sous l’élastique de son jogging et me faufilai parmi les poils. La peau était moite. Je saisis doucement son sexe. Il mouillait beaucoup. Je plaçai mes doigts autour de son gland et profitant de ce lubrifiant naturel, j’entrepris de petits mouvements rotatifs de mon pouce sur son frein. La respiration de Charlie se fit plus bruyante. Je remarquai soudain que les vitres du Renault Trafic s’étaient couvertes de buée.

Pendant de longues minutes je jouai avec son frein, variant la pression ou la vitesse au gré de mon humeur, ralentissant lorsque je le sentais venir et reprenant de plus belle lorsque je le sentais s’éloigner. Parfois, je lâchai son gland quelques secondes pour laisser un doigt courir autour de sa couronne, descendre le long de sa verge, jusqu’à la zone très sensible située entre les testicules et de la cuisse ; puis je revenais inlassablement à mon obsession première : son frein. Tout l’être de Charlie, toutes ses pensées, toute son attention étaient maintenant concentrés dans les quelques centimètres carrés de peau qui s’étendaient à l’arrière de sa queue, de la base à l’extrémité de son gland ; et c’était entièrement le fait de ma volonté. Je jouissais d’avoir ce pouvoir sur lui. Je pouvais le rendre fou de frustration et obtenir de lui tout ce que je voulais en un instant : il me suffisait de retirer ma main. Il était sous mon contrôle.

Enfin je décrétai que le jeu avait assez duré ou plutôt, qu’il ne pourrait plus l'endurer très longtemps. Je le fis venir de quelques caresses plus lentes et plus appuyées. Dans un râle à peine perceptible, il se répandit en jets puissants et saccadés.

J’ôtai ma main de son jogging et m’allumai une nouvelle cigarette. Charlie n’avait toujours pas dit un mot. Je mis le contact, démarrai le moteur, essuyai la buée sur le pare-brise, allumai les feux de croisement. Nous reprîmes la route. Dans la cabine flottait l’odeur caractéristique du sperme.

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2 commentaires


Commentaires

1. Seb_Sbg – le 13/08/2014 à 22:16 – #
Prochaine étape la vidéo :)
2. fiuuu – le 14/08/2014 à 21:45 – #
hummmm très beau récit

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